Henri OUZILLEAU est né le 28 mai 1884 à Blois. Dans le village de Bazoches les Gallerandes où il s’installe en1932, Maître Henri OUZILLEAU mène une vie apparemment sans histoires de notaire de province, en compagnie de son épouse Odette et de ses deux fils Michel et Yves. De par ses activités professionnelles, il connaît très bien la région dans laquelle il se déplace beaucoup ; il préside notamment la Fédération nationale des notaires ruraux. Dès 1940, il est membre de plusieurs réseaux de résistance (Libé-Nord et Vengeance), au service desquels il met toutes ses connaissances du territoire local. |
Le 6 juin 1944, le débarquement des forces alliées en Normandie surprend les forces allemandes qui attendaient ces dernières dans la région du Pas-de-Calais.
Les quatre régiments de la S.S. Panzer-division Das Reich, initialement basés dans le sud-ouest, remontent alors vers la Normandie suivant l’itinéraire Montauban, Brive, Limoges, Orléans … (massacre d’Oradour sur Glane le 10 juin) en empruntant des petites routes pour fuir les attaques des maquis cherchant à entraver leur avance. Pour l’état-major nazi, il s’agit avant tout de contrer l’avance, vers l’intérieur du pays ainsi que vers Paris, des forces alliées débarquées. Reprendre la capitale française fait partie des objectifs prioritaires des forces alliées.
À l'intérieur du pays, les réseaux de résistance s'activent. Ils ont été avertis du débarquement par des messages codés de la radio anglaise, la BBC. Parmi eux, deux
vers de Verlaine :
« Les
sanglots longs des violons de l'automne
Blessent mon cœur d'une
langueur monotone ».
Un relais hébergement chez le notaire de Bazoches
A Paris, c’est le signal qu’attendent une centaine de jeunes lycéens et étudiants entrés en résistance (destruction des portraits de Pétain, distribution de tracts, solidarité avec les juifs), en relation avec les réseaux. Parmi eux, Michel OUZILLEAU dont le père Henri OUZILLEAU est lui-même résistant. Ils prennent, qui en vélo, qui à pied, qui par le train, des itinéraires légèrement différents en direction de la Corrèze. Première destination : la Sologne. Un relais hébergement est organisé en pleine Beauce chez le Notaire de Bazoches les Gallerandes.
C’est ainsi qu’il repère en Sologne vers la Ferté Saint Aubin des terrains propices aux parachutages destinés au réseau local de la France Libre. Son fils Michel (19 ans), membre actif du corps franc « Liberté » est très impliqué dans ces opérations.
Henri OUZILLEAU apporte également toute son aide aux ouvriers agricoles réfractaires au S.T.O. Il sera à plusieurs reprises convoqué chez le Préfet pour divers reproches, sans que cela porte à conséquences.
Des jeunes patriotes parisiens, partis pour rejoindre le maquis en Corrèze, font escale chez lui le 8 juin 1944 avant de reprendre la route pour La Sologne où des fermes sont des lieux de regroupement, étapes vers le maquis de Corrèze.
Dénonciation à la Gestapo et arrestations
Pierre LUSSAC, l’un des principaux agents de la gestapo d’Orléans, était venu repérer les lieux. La nuit suivante, ils sont découverts et exécutés le 10 juin à la Ferme du By et dans ses environs par les SS. L’un des jeunes, André PARENT, jeune auxiliaire de la gestapo infiltré dans le corps franc, les avaient dénoncés, tout comme il a dénoncé Henri OUZILLEAU et autres lieux de Sologne où doivent se réfugier les jeunes résistants, entraînant de nombreuses exécutions et déportations.
Le lendemain 11 juin, Pierre LUSSAC, informé par A. PARENT, se présenta à pied chez Maître OUZILLEAU qui lui offrit de l’accueillir. LUSSAC était en réalité un membre important de la gestapo ; d’autres gestapistes le suivaient en voiture qui allaient arrêter le notaire, son épouse et son fils Yves.
Les familles OUZILLEAU et GRIVOT étaient voisines. Denise BOULLIER – GRIVOT a été témoin de la scène et raconte …
« Il faisait beau, c’était le dimanche de Pentecôte. Maître OUZILLEAU jouait au jeu de croquet avec avec son fils Yves et deux copains de ce dernier, dont mon frère Lucien. Moi je les regardais … tout à coup est arrivé une voiture d’où sont descendus 3 hommes révolver au poing. C’était la gestapo. Madame OUZILLEAU nous a dit « allez vous en les enfants ». Monsieur OUZILLEAU a réclamé un vêtement de fourrure, « sa chèvre », à son épouse mais il est parti en chaussons. Nous nous sommes sauvés en courant … en nous cachant un peu plus loin pour regarder ce qui se passait. »
Au même moment, Michel, le fils aîné arrivait à Bazoches en vélo. Il dut sa liberté à Madeleine et Marguerite PIET, deux jeunes voisines, qui pressentant le danger, étaient allées à sa rencontre l’informer de ce qui venait de se produire chez ses parents.
Le témoignage de Didier LANGUILLAUME, un proche voisin, ne diffère pas.
Henri OUZILLEAU et son fils Yves ont été emmenés à la Kommandantur à Pithiviers.
Le Notaire fut ensuite conduit à Orléans où il fut torturé puis emprisonné, avant d’être transféré le 29 juin au camp de Compiègne. Déporté en Allemagne à Bergen-Belsen, il décèdera le 9 décembre
1944.
Madame OUZILLEAU, accompagnée de M. HAY alors maire de Bazoches, alla à la
Kommandantur plaider la cause de son fils Yves qui fut relâché (Témoignage de Catherine OUZILLEAU, fille de Michel).
André PARENT (en 1945) et Pierre LISSAC (en 1946) furent tout deux jugés et condamnés à mort.
Faire vivre la mémoire des victimes
La mémoire de Henri OUZILLEAU est restée bien présente à Bazoches : plaque commémorative apposée sur son ancienne étude située dans la rue qui porte aujourd’hui sont nom, inscription au Monument aux Morts du village. Son nom figure également sur le Monument des Déportés à Pithiviers ainsi que sur une plaque à Orléans.
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A la nécropole de La Ferté Saint Aubin figure une stèle au nom de Henri OUZILLEAU parmi toutes celles commémorant la mémoire des jeunes résistants fusillés dans les environs en 1944.
Pour aller plus loin :
- Georges JOUMAS – La tragédie des lycéens parisiens résistants 10 juin 1944 en
Sologne
Corsaire éditions
La mémoire d’Henri OUZILLEAU, souvent évoquée par ses contemporains aujourd’hui âgés, est restée vive dans le village de Bazoches. L’action des étudiants parisiens qui ont payé un lourd tribut à la lutte contre les nazis méritent d’être relatée.